
La perception humaine du temps et de la réalité est largement façonnée par l’intellect, qui découpe, catégorise, analyse. Cette approche dualiste oppose sujet et objet, bien et mal, passé et futur, soi et les autres. Elle repose sur des constructions mentales, des croyances acquises, des conditionnements culturels et personnels. Dans cette logique, la réalité est fragmentée et l’individu se perçoit comme séparé du tout, enfermé dans une linéarité temporelle où le passé détermine le présent et l’avenir est source d’angoisse ou d’espoir.
À mesure que l’on chemine intérieurement, un basculement peut s’opérer : on passe d’une compréhension mentale à une perception directe, sensorielle, intuitive – une ouverture du cœur. Ici, la réalité n’est plus perçue comme une suite d’événements contrôlables ou analysables, mais comme une expérience immédiate et vivante. Le temps cesse d’être une ligne droite pour devenir un éternel présent. Le passé et le futur perdent leur emprise, car seule l’instantanéité de l’être compte.
Dans cet espace, le sentiment devient la boussole. Non pas le sentiment réactif ou émotionnel au sens courant, mais une présence ressentie, une paix profonde, une résonance intérieure qui ne dépend de rien d’extérieur. Ce sentiment est intimement lié à l’acceptation radicale de ce qui est : les choses ne sont plus jugées, elles sont accueillies. La résistance mentale s’efface, et avec elle, la souffrance liée à l’illusion de contrôle ou de séparation.
Cette transformation implique aussi une dissolution des croyances limitantes, des récits intérieurs qui définissent qui nous pensons être : "je suis ceci", "je ne peux pas cela", "le monde est comme ça". Ces constructions mentales créent un moi figé, une identité enfermée dans le passé. Lorsque ces conditionnements se relâchent, l’être peut émerger dans sa plénitude, libre de se déployer, libre d’aimer, libre d’être.
La clé de l’éternité n’est donc pas dans un ailleurs ou un au-delà, mais dans le cœur du présent, dans cette paix silencieuse qui survient quand l’on cesse de fuir ou de vouloir saisir. C’est une libération de la dualité, une reconnexion avec l’unité profonde de l’existence.
Riad Zein