
Notre essence première est un état originel que nous avons tendance à abandonner peu à peu, en adoptant des idées qui sont dépourvues d'amour. Cette réflexion offre une vision profonde de la condition humaine et des origines de nos souffrances. Le bonheur, qui est présent au centre même de notre être, est une vérité initiale que nous masquons en intégrant des modes de pensée et des convictions qui nous en éloignent.
À l'aube de notre existence, avant l'empreinte des conditionnements sociaux et des expériences douloureuses, un état de contentement et de sérénité semble nous caractériser. Cette innocence primordiale, cette connexion spontanée à l'instant présent, témoigne d'une harmonie intérieure qui n’est pas dépendante des circonstances extérieures. Le bonheur n'apparaît alors pas comme un objectif à atteindre, mais comme une réalité vécue, une expression naturelle de notre être.
Mais, au fil de notre développement et de nos interactions avec le monde, nous commençons à intégrer des idées et des perceptions qui s'éloignent de cet amour fondamental, tant envers nous-mêmes qu'envers autrui. Ces « idées de non-amour » se manifestent sous de multiples formes, tissant un voile d'illusion qui recouvre notre nature bienheureuse. La peur, dans ses diverses expressions — telle que la peur du rejet, de l'échec ou de la perte — nous pousse à nous replier sur nous-mêmes, à ériger des barrières et à anticiper la souffrance, nous éloignant de la confiance et de l'ouverture nécessaires à l'épanouissement.
Le jugement, qu'il soit dirigé vers les autres ou intériorisé, crée des divisions et alimente un sentiment de séparation. En catégorisant, en comparant et en condamnant, nous nous enfermons dans une vision dualiste du monde, où l'acceptation inconditionnelle et l'empathie s'estompent. La critique incessante, envers soi-même notamment, mine notre estime et notre sentiment de valeur personnelle, nous empêchant de reconnaître et d'embrasser notre propre bonté naturelle.
Des émotions telles que le ressentiment, la colère, la culpabilité et la honte agissent comme des chaînes qui nous lient au passé et nous empêchent de vivre pleinement le présent. Ces sentiments négatifs, souvent alimentés par des interprétations erronées des événements et des attentes irréalistes, nous détournent de la paix intérieure et de la capacité à éprouver de la joie. De même, le besoin de contrôle, et l'illusion que nous pouvons et devons maîtriser chaque aspect de notre existence, engendre de la frustration et de l'anxiété lorsque la réalité se révèle inévitablement changeante et imprévisible.
La croyance en une séparation fondamentale entre soi et les autres, entre l'individu et l'univers, constitue une autre « idée de non-amour » puissante. Ce sentiment d'isolement nourrit la peur du manque, le besoin constant d'approbation et la difficulté à établir des connexions authentiques basées sur l'amour et la compréhension mutuelle. Enfin, l'attachement excessif aux résultats, à la validation externe et aux possessions matérielles rend notre bonheur conditionnel aux facteurs éphémères et incontrôlables, nous rendant vulnérables aux fluctuations du monde extérieur.
Ainsi, en nous identifiant à ces pensées et à ces croyances empreintes de « non-amour », nous nous construisons une réalité intérieure teintée de souffrance et de limitation. Nous nous éloignons progressivement de la conscience de notre état originel : cette source inépuisable de bonheur qui réside en nous. La quête du bonheur se transforme alors en une recherche externe, une tentative de combler un vide intérieur créé par cette déconnexion.
Pourtant, la reconnaissance de cette condition originelle et la prise de conscience des « idées de non-amour » auxquelles nous nous sommes attachés offrent une voie de réconciliation. En remettant en question ces croyances limitantes et en cultivant l'amour, la compassion et l'acceptation envers nous-mêmes et les autres, il devient possible de lever graduellement le voile de l'illusion. Ainsi, nous pouvons nous reconnecter à ce bonheur inhérent qui n'a jamais réellement disparu. Le chemin vers le bonheur ne consiste alors pas à acquérir quelque chose de nouveau, mais plutôt à se défaire de ce qui nous empêche de reconnaître ce qui est déjà présent en nous.
Riad Zein